1. L’explosion du besoin en calcul numérique
Nos usages numériques ont pris une place énorme dans le quotidien. Regarder une série, stocker des fichiers, utiliser un chatbot ou faire tourner un outil d’intelligence artificielle… tout cela repose sur une infrastructure qu’on ne voit jamais mais qui consomme beaucoup d’énergie : les data centers.
La demande en calcul ne cesse de croître. D’après l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), les data centers, les réseaux et les terminaux numériques représentaient environ 2,5 % de la consommation mondiale d’électricité en 2022. Et ce n’est pas près de ralentir. L’AIE prévoit que la consommation des seuls data centers pourrait plus que doubler d’ici 2026, en grande partie à cause de l’essor du cloud et de l’intelligence artificielle.
En Europe, leur consommation était estimée à près de 77 TWh en 2018, selon le Centre commun de recherche de la Commission européenne. En France, elle atteignait environ 10 TWh en 2022, soit l’équivalent de celle d’une ville comme Marseille.
Derrière cette croissance se cache un enjeu souvent oublié : pour fonctionner, les serveurs consomment non seulement de l’électricité pour calculer, mais dégagent aussi une grande quantité de chaleur, qu’il faut ensuite refroidir. Cette chaleur, dite "fatale", constitue aujourd’hui un gisement largement inexploité.
2. La face cachée du numérique : un besoin massif de refroidissement
Pour faire fonctionner les serveurs, il faut de l’électricité. Beaucoup d’électricité. Mais ce qu’on oublie souvent, c’est qu’une part importante de cette électricité sert… à refroidir ces mêmes serveurs.
En moyenne, jusqu’à 40 % de la consommation énergétique d’un data center peut être consacrée uniquement au refroidissement. Et cette énergie ne disparaît pas : elle se transforme en chaleur, que l’on rejette dans l’environnement via des systèmes de ventilation ou de climatisation.
Résultat : une double dépense énergétique. D’un côté on consomme de l’électricité pour faire du calcul. De l’autre, on consomme encore de l’électricité pour faire baisser la température que ce calcul a générée.
Cette chaleur dite “fatale” est très rarement récupérée. Elle est pourtant bien réelle, et massive. En 2023, l’ADEME a estimé que les 264 data centers situés en France rejettent environ 8,5 TWh de chaleur chaque année. Cela correspond à la production annuelle de plus d’un réacteur nucléaire.
Ce gaspillage thermique entre directement en contradiction avec les objectifs climatiques nationaux, qui visent à mieux utiliser l’énergie disponible et à limiter les consommations inutiles. D’autant que pour refroidir un data center, on peut aussi avoir recours à des systèmes qui consomment de l’eau ou des gaz réfrigérants, ce qui pose d’autres questions environnementales.
À l’échelle locale, quelques projets commencent à valoriser cette chaleur : à Paris, par exemple, un data center alimente en chaleur le centre aquatique olympique. Mais ces initiatives restent rares. Et le potentiel reste largement sous-utilisé.
3. La chaleur fatale des data centers : un gisement sous-exploité
L’ADEME estime que les data centers, aux côtés d’autres sites producteurs de chaleur fatale comme les usines d’incinération, les stations d’épuration ou certaines industries, représentent un potentiel de plusieurs térawattheures par an en France.
Par exemple en Suède, la ville de Stockholm a mis en place depuis 2014 le programme Open District Heating, qui permet aux data centers de revendre leur chaleur excédentaire au réseau de chauffage urbain. Cette initiative, portée par l'entreprise énergétique Stockholm Exergi, s'appuie sur un réseau de chaleur étendu de 3 000 km. La chaleur récupérée est utilisée pour chauffer des logements, des bureaux et des équipements publics, contribuant ainsi à réduire les émissions de CO₂ de la ville.
Ces exemples montrent que la récupération de chaleur fatale est techniquement possible et énergétiquement pertinente. Mais elle reste encore peu développée, faute d’incitations, de coordination locale ou simplement de prise de conscience du potentiel existant.
4. Vers une valorisation locale du calcul numérique
Si la chaleur des data centers peut être récupérée à grande échelle pour alimenter des réseaux urbains, d’autres approches permettent de la réutiliser directement là où elle est produite, à une échelle plus locale.
C’est l’idée portée par certaines technologies émergentes, comme les radiateurs à Récupération de Chaleur fatale Embarquée. Leur principe est simple : intégrer des cartes informatiques à l’intérieur d’un radiateur, de manière à transformer la chaleur générée par le calcul en chauffage utile pour les logements.
Ce type d’équipement ne consomme pas plus d’électricité qu’un radiateur classique, mais il permet de donner un double usage à la même énergie : calcul d’un côté, chauffage de l’autre. On ne refroidit plus les serveurs pour évacuer leur chaleur : on la garde pour chauffer intelligemment.
C’est notamment ce que propose Hestiia avec le radiateur RCE myEko Pro®. Le calcul est effectué directement à l’intérieur de chaque appareil, sans bruit ni ventilation mécanique, et la chaleur est diffusée dans l’espace comme un radiateur inertiel classique. En parallèle, les calculs réalisés sont utilisés pour réaliser du calcul d’inférence pour les modèles d’intelligence artificielle dans le but d’accélérer les découvertes scientifiques.
Cette logique permet de rapprocher les lieux de calcul et les lieux de consommation de chaleur, et donc de réduire le besoin d’infrastructures centralisées, de refroidissement actif, ou de transport d’énergie. C’est aussi une manière concrète d’intégrer le numérique dans la transition énergétique, avec des solutions qui misent sur la sobriété, la mutualisation et la décentralisation.
Conclusion
Dans un contexte de tension sur l’énergie et de forte croissance des usages numériques, l’exploitation de la chaleur fatale est un levier qu’on ne peut plus ignorer.
Des solutions existent. Certaines permettent de récupérer la chaleur à grande échelle. D’autres, comme les radiateurs RCE, la valorisent directement dans les bâtiments.
C’est une manière concrète de mieux utiliser l’électricité qu’on consomme déjà.
Mais pour que ces approches se développent, il faudra les encourager. Cela passe par des politiques publiques adaptées, une meilleure intégration de ces solutions dans les projets urbains et numériques, et une évolution des pratiques dans la manière dont on conçoit les équipements.